Les grandes philosophies chinoises – 1) le taoïsme

Les grandes philosophies chinoises

Dans cette série de quatre entretiens diffusés sur France Culture en octobre 2015 sur les philosophies chinoises, sont présentées :

1- le taoïsme

2- le confucianisme

3- le bouddhisme

4- la pensée philosophique chinoise moderne

Ce premier article retrace les principaux éléments de la première émission des Les nouveaux chemins de la connaissance de France Culture, sur le taoïsme. Il sera suivi de trois autres articles, chacun retraçant le contenu des autres émissions.

Le taoïsme

Le taoïsme est présenté dans cette émission de radio par Rémi Matthieu, sinologue, chercheur au CNRS, interviewé par Adèle Van Reeth.

Introduction

Tintin - Le lotus bleu
Le lotus bleu

Après une introduction un peu violente (à vous de juger !), le contexte de la période des Royaumes combattants est rappelé (5è à 3è siècle avant JC) : c’est une période durant laquelle la pensée chinoise se modèle pour jeter les bases de ce qui est encore à ce jour en son cœur. Par exemple, la pensée de Confucius transpose en règles politiques et sociales le fonctionnement de l’univers.

Le taoïsme / les taoïsmes ? Religion ou philosophie ? (4’40)

Rémi Mathieu rappelle d’abord dans quel contexte historique est apparu le terme “taoïsme”. Au premier siècle avant JC, l’Empire ressent le besoin de classer et regrouper les écoles philosophiques, les “cent écoles”, caractérisées par des listes d’ouvrages qui représentent et rassemblent les pensées de ces courants. Une de ces catégories de penseurs et auteurs est alors nommée daojia -école du dao- . Or le dao est une notion abordée par l’ensemble des penseurs de la philosophie chinoise. Le groupe daojia est donc constitué de manière relativement arbitraire. Ce classement imposé par l’Empereur a toutefois perduré jusqu’à nos jours.

Le dao (9’15)

Puis vient une présentation de ce qu’est le Dao : “Le Dao une énergie génératrice qui permet de créer et d’animer l’ensemble des êtres de façon harmonieuse”. Il nous rappelle que le Dao est qualifié dans le Yi Jing (livre : Classique des changements) : “un mouvement de yin, un mouvement de yang, c’est le Dao”. Mais on ne sait pas réellement ce qu’est cette force qui permet d’harmoniser tous les êtres : le Dao de jing nous dit qu’elle est innommable, malgré tout il faut la nommer, ce sera donc le Dao c’est à dire la voie, le chemin.

Le sans nom, le qui a nom (12’25)

Extrait du Dao de jing :

Le sans nom est le commencement du ciel et de la terre,
le qui a nom est la mère des dix mille êtres
c’est pourquoi qui est constamment dépourvu de désirs fait en sorte d’en contempler les subtilités
qui est constamment dans l’avoir du désir fait en sorte d’en contempler les manifestations.

Ces deux choses ont en fait une même souche quoiqu’elles aient des noms différents :
Semblablement on les nomme mystérieuse,
Pourtant s’il est encore plus mystérieux que ce mystère c’est bien la porte qui ouvre sur toutes les subtilités.

A l’état primordial sont différenciés le sans nom / le qui a un nom. Le sans nom est le dao, il est responsable de l’harmonie du monde, et il engendre les êtres par son “bras armé” : le ciel (c’est à dire la nature) qui va produire les êtres en leur conférant leurs caractéristiques propres, la vie, la croissance, la décroissance, la mort. Le ciel crée les dix mille êtres, dix mille choses, le “qui a nom”.

La place de l’homme dans la nature (17’30 )

Se laisser porter par le courant

Dans ce dispositif, l’être humain essaie de recréer l’harmonie du monde. Ou plutôt il s’incorpore dans le dao : cela se fait par le  Wu Wei (=non intervention) qui est l’accompagnement des phénomènes naturels ; ceci est rendu possible par la spontanéité, c’est à dire ce qui se fait de soi-même sans l’intervention de la volonté. Celui qui veut s’incorporer au dao doit oublier la volonté, doit ne pas s’opposer à la marche spontanée des choses.

Pensée révolutionnaire et réactionnaire (19’50’ )

Ainsi proposer un ordre proprement humain, social, politique, est contre le dao. Le taoïsme rejette la pensée confucianiste qui prône la culture, l’étude, le perfectionnement de soi et propose de les bannir pour ne garder pour l’être humain que ce qui attache au dao. Laozi (1) prône d’ailleurs “d’abandonner la connaissance” et à sa suite, Zhuangzi (2) propose de se mettre en harmonie avec le pivot céleste (21’25 et défini à la 26’è).
Toute tentative de connaissance intellectuelle est vaine car elle scinde la réalité indivisible qu’est le monde (26′). De plus le vrai et le faux , le bien et le mal, etc. sont totalement relatifs et donc ne sont pas définissables. D’ailleurs, le ciel lui-même ne s’occupe que de générer mais ne se préoccupe pas de savoir s’il y a quelque suite positive ou négative. Il est donc inutile d’essayer de comprendre le monde en termes de valeurs (bien-mal, beau-laid, …).

Quel type de connaissance peut-on avoir ? (30′ )

Si on ne peut analyser le monde par une approche intellectuelle, quelle connaissance peut-on avoir ?  Il nous faut avoir une connaissance basée sur l’intuition c’est à dire qui se fonde sur la relation directe du Cœur (3) (=sentiments, compréhension, intuition, prise de conscience). L’être humain peut comprendre et communiquer avec les autres êtres : cette communication se fait par l’interaction entre les “souffles”. L’intuition dont il est question ici (Ming =lumière, illumination 34′)  est le résultat entre l’échange direct de Cœur à Cœur entre deux êtres qui appartiennent à une même unité.

Réalité ou rêve ? Vie ou mort ? (36′ )

Pour le taoïste il n’y a pas de distinction entre rêve et réalité, entre vie et mort, puisque la distinction entre vrai et faux n’est pas possible. Parmi les formulations paradoxales chères à Zhuangzi, celle sur la vie et la mort illustre cette interrogation : il dit que certes nous sommes contents de disposer de la vie que nous regretterons quand nous serons mort, mais indique aussi qu’inversement; tant que nous sommes en vie nous devrions regretter de ne pas être mort.

Cette pensée se fond dans les idées plus larges datant de la Chine ancienne comme quoi tout est inscrit dans des cycles, le plus grand de ces cycles étant celui du dao. La vie et la mort se succèdent donc interminablement dans ce mouvement cyclique.

Harmonie (39′)

L’homme doit donc avoir toute confiance dans la nature, qui  est harmonieuse, et dans le dao qui ne saurait produire autre chose que de l’harmonie. Mais attention, il ne faut pas associer d’idée de bien à ce terme d’harmonie. Inversement, provoquer du chaos est contraire au dao.

Détachement, souplesse et disponibilité vis à vis des événements, sont gages d’inscription dans le dao. C’est ce que vient compléter un extrait d’un entretien avec Paul Claudel en 1951.

Philosophes d’occident et taoïsme (46′)

Le confucianisme a été abordé prioritairement par les premiers occidentaux à traduire les textes chinois : ces missionnaires jésuites ont d’abord eu comme projet de traduire les grands textes officiels de l’Empire qui, à cette période, étaient ceux du confucianisme. De plus le contenu était certainement trop éloigné de la vision du monde que ces religieux pouvaient avoir et vouloir défendre. Ainsi ce n’est que très tardivement, fin XIXè, puis au XXè, que les intellectuels européens ont commencé à découvrir le taoïsme. Rémi Matthieu cite Paul Claudel, Victor Segalen, Henri Michaud par exemple.

Notes

(1) Laozi : ce nom est souvent orthographié Lao Tseu. Penseur (légendaire ?) du VIè siècle avant JC qui aurait délivré son enseignement, le Dao de jing, avant de se retirer.

(2) Zhuangzi : ce nom est souvent orthographié Tchouang Tseu. Penseur du iVè siècle avant JC, il a écrit un texte majeur du taoïsme (appelé de son nom, Zuangzi).

(3) Coeur : ici avec une majuscule pour distinguer le Coeur au sens chinois, large, qui englobe les facultés cognitives et les sentiments, contrairement au coeur sans majuscule qui est l’organe.

Ecouter l’émission

site : http://www.franceculture.fr/emissions/les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance/philosophies-chinoises-14-le-taoisme

Laisser un commentaire